Lecture au jardin


Ce 26 juin, pour notre « lecture au jardin », final de la saison 22/23,

nous avions choisi : « les poétesses »


Christine nous a fait lecture de poèmes de Marie-Noël, la poétesse d’Auxerre

Marie Noël, nom de plume de Marie Rouget est née le 16 février 1883 à Auxerre et morte le 23 décembre 1967, est une poétesse française. Elle est particulièrement connue pour son œuvre poétique se rattachant à la chanson traditionnelle, ainsi que pour ses Notes intimes écrites en 1959.

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour…

Recueil : "Les Chansons et les Heures"


Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.
Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.
Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.
Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.
Vent du ciel ! Vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. Ô brise familière,
Perds-le ! Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
Ô vent, et dans la mer va jeter ma poussière !


Constance nous a lu des poème de Moon CHUNG
Moon Chunge est née en 1947 à Boseong en Corée du Sud., trois ans seulement après la fin de l'occupation du Japon et six avant la division Nord/Sud. Elle fait partie de la première génération à réécrire en coréen. Elle part faire des études très tôt (bien qu'elle soit une fille) et est très rapidement récompensée pour les poèmes qu'elle écrit.
Elle est maintenant l’auteure d’une dizaine de recueils, de pièces de théâtre et d’essais d’inspiration féministe qui ont fait d’elle une des grandes voix de la poésie coréenne
.


Grand mère et mère

Lorsque je suis partie de l’aéroport de Kimpo

J’ai tout laissé derrière mon dos.

La photo de mon mari je l’ai cachée au fond de l’armoire.

Élargi à présent comme la mercredi

Mon âge généreux qui fait le bruit du vent

Je l’ai inséré volontiers entre mes cartes d’identité.

Alors j’étais légère comme si j’avais pu voler

Malgré la grande valise.

Ce que je possède, c’est simplement la liberté qui clapote

La solitude savoureuse comme le sel

C’est suffisant pour le repas du poète

C’est comme il faut pour aimer.

Mais que se passe-t-il ?
Ma grand-mère et ma mère

Que je croyais déjà mortes il y a une dizaine d’années

M’ont suivie à mon insu.

Installées au fond de moi

Elles se mêlent de toutes mes affaires.

Leurs yeux grands ouverts

Attention aux voitures, attention aux loups

Elles n’en finissent pas de m’ennuyer.


Déclaration de la fleur

Je me servirai de mon sexe

A ma façon comme je l’entends.

J’empêcherai que l’état le contrôle

ouOu que les ancêtres s’e, mêlent.

J ‘empêcherai qu’une idéologie y porte la main

Brutalement.

J’empêcherai qu’on en donne des leçons ou qu’on en fasse la publicité.

En aucun cas

Je ne tolérerai qu’on l’échange contre de l’argent.

Je ne me donnerai pas l’air d’être belle ou gentille

Je ne ferai pas semblant de tout connaître

Je prendrai tout simplement possession de mon corps

Sous le ciel.

Au pays de la poésie

Je suis fleurie.


Mathilde nous a présenté 3 poétesses

Mireille SORGUE Née à : Castres , le 19 mars 1944
Le 16 août 1967, à l’aube, elle ouvre la porte extérieure et se jette du train entre Caussade et Montauban.

Elle avait 23 ans.

Nocturne

Dans la torpeur des interrègnes
Quand s’assoupissent les duègnes
D’un tesson d’étoile je peigne
Mes doigts épars,

Jusqu’à la nuit je suis recluse,
Mais la lune, experte en ruses
Vient pour dégrafer les écluses
Lorsqu’il est tard,

Alors se descellent les cages
Et des ribambelles d’images
Au long du jour prises, en otage,
Se dévergondent,

Fuient en gambades illicites,
S’assemblent en noces fortuites,
Se nouent, tournant toujours plus vite
La folle ronde

Vagabonde, sur la cadence
Échevelée. Phosphorescence
Des points d’orgue sur le silence,
Morse strident.

La vitre aux paupières blafardes
Cloue dans cette orgie une écharde
Et son regard trouble s’attarde
Déliquescent,

Sur ces ténèbres tressautantes
Où des corolles rutilantes
S’épanouissent en chuintant
Feu d’artifice

Tandis qu’en cohortes maussades
Les contraintes et les brimades
Éreintées par la bousculade
S’évanouissent

Fluets fantoches aux pas débiles;
C’est l’heure où ronflent les édiles,
Très grotesques statues d’argile
Du piédestal

Chues, sous les édredons ventrus
Couvant leurs panses bien repues
Comme peau de tambour tendues,
Ciel viscéral,

Cependant l’aiguille fragile
D’un chant de grenouille surfile
Ce voile que tissent habiles
De pollen blond

Les doigts du vent, et les rêves,
Jusqu’à ce que le jour se lève
Farandolent sans plus de trêve,
Baisant mon front

A satiété. Dans l’interrègne
Se sont assoupies les duègnes,
D’un tesson d’étoile je peigne
Mes doigts épars.

Andrée CHEDID (en arabe : أندريه شديد), née Andrée Saab2 (en arabe : أندريه صعب) le20 mars 1920 au Caire et morte le 6 février 2011 à Paris, est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise

Celui qui va

Tu viens de l'origine des âges

Chaque naissance t'a élu
Chaque peur t'a pénétré

Tu ressuscites par espérance

Tu reconnais pour héritage le souffle la braise et le mouvement

l'abri du cœur le bref passage la mort en réserve

Et le
Chant!



Emily Dickinson, née le 10 décembre 1830 à Amherst dans le Massachusetts et morte le 15 mai 1886 dans la même ville, est une poétesse américaine.


Ma Barque

Ma barque s'est-elle brisée en mer,
Crie-t-elle sa peur sous le vent,
Ou docile a-t-elle hissé sa voile,
Pour des iles enchantées ;

À quel mystique mouillage
Est-elle aujourd'hui retenue, -
Ça c'est affaire de regard
Là-bas au loin sur la baie.



Muriel nous a lu le poème de Esther GRANEK :

Esther Granek est une poétesse belge de langue française. Auteur-compositeur de chansons, poèmes, ballades, textes d’humeur et d’humour, elle a publié plusieurs recueils.

Née à Bruxelles le 7 avril 1927, elle est autodidacte du fait des lois antijuives durant l’Occupation. Elle habite en Israël depuis 1956. Elle a été employée à l’Ambassade de Belgique à Tel-Aviv aux fonctions de secrétaire-comptable durant 35 ans. La décoration civique de première classe lui a été décernée en récompense de la qualité de son travail. Certains de ses poèmes ont été dits à la Radio-Télévision belge en 1988.

Vacances

issu du Recueil : "Ballades et réflexions à ma façon"

Tiède est le vent
Chaud est le temps
Fraîche est ta peau
Doux, le moment

Blanc est le pain
Bleu est le ciel
Rouge est le vin
D’or est le miel

Odeurs de mer
Embruns, senteurs

Parfums de terre
D’algues, de fleurs

Gai est ton rire
Plaisant ton teint
Bons, les chemins
Pour nous conduire

Lumière sans voile
Jours à chanter
Millions d’étoiles
Nuits à danser

Légers, nos dires
Claires, nos voix
Lourd, le désir
Pesants, nos bras

Tiède est le vent
Chaud est le temps
Fraîche est ta peau
Doux, le moment

Doux le moment…
Doux le moment…


Anne a fait un petit tour du monde et du temps

Kiné Kirama Fall, poétesse sénégalaise, porte en elle l’amour de la Mère Afrique. Dans « Chant de la rivière fraîche », elle égrène des mots d’amour, une suite de chants de tendresse qui rythment la marche du pays qui se lève :

Si, des femmes, toutes les mains voulaient s’enlacer


Pour former une ceinture embrassant l’univers ;

Si, des femmes, toutes les voix fredonnaient le même air,

Dissiper la langueur, et prôner liberté,

Si, des femmes, tous les cœurs battaient au même rythme

Ranimer le vieux monde, par le mal étouffé ;

Si seulement toutes les femmes le voulaient bien ;

Il naîtrait au vieux monde un cœur neuf, plein d’amour et de vie.



Nazik al-Mala’ika,(1922 – 2007) pionnière de la nouvelle forme poétique en vers libres

 

Jeunesse

C’est en vain que tu rêves, ô poétesse
Mienne, entre un matin et un soir, sans répit,
À ce qu’est cette existence. 
 
C’est en vain que tu demandes
Pourquoi le secret n’est pas dévoilé,
Pourquoi l’on ne t’accorde pas
Le don de briser les chaînes.
 
À l’ombre du saule, tu as passé
Tes heures dans la perplexité,
Sous les coups douloureux
Que t’infligeaient ces énigmes,
 
Questionnant l’ombre,
Alors que l’obscurité ne sait rien
Et que les destinées connaissent
Tout ce qu’elle ignore.
 
Tu regardes toujours l’horizon
Anonyme, perplexe. Ce qui est caché
S’est-il jamais manifesté au jour ?
 
Tu questionnes toujours, et la destinée
Moqueuse est un silence
Hermétiquement clos,

Un silence sans fin.


Tumād̩ir bint ʿAmr, surnommée Al-Khansā’ (avant 610 – entre 634 et 644), est une femme de lettres du 7ème siècle et la poétesse arabe la plus connue de la littérature arabe

Est-ce une poussière dans ton œil ?

« Est-ce une poussière dans ton œil ?
Est-ce une douleur ?
Ou verse-t-il des pleurs
À cause d’une demeure
Vide de ses habitants ?
Mes yeux ressemblent,
Quand son souvenir m’effleure,
À des torrents ruisselant
Sur mes joues. »
Traduction d’Anissa Boumediène


Autrice chinoise de la dynastie Song, Li Qingzhao (李清照, 1084 – vers 1151) est considérée comme l’une des plus grandes poétesses chinoises et une maîtresse de l’art du poème chanté

Les Fleurs du cannelier

Il y a quinze ans,
sous la lune épanouie,
Nous avons composé des poèmes
célébrant les fleurs.
Aujourd’hui, la lune et les fleurs
sont les mêmes,
Mais comment retrouver
les émois de jadis ?



Dépossédée de sa langue et de sa culture innue dans un pensionnat tenu par des religieuses au Québec pendant ses jeunes années, Joséphine Bacon se les est réappropriées en recueillant les récits des anciens. 

En 2019, elle écrit un poème pour ces femmes disparues, tuées, abusées. "Car en tant que femme, dit-ellej’ai la mission de ne pas garder le silence, comme pour les enfants disparus."

Tu vas à la ville, aspirant à une vie meilleure
Dans ta fuite, tu te fuis
Tu vas de rencontre en rencontre
Tu t'inventes un récit qui te ressemble
Tu t'en vas si loin de ta naissance
Ton évasion
Tes musiques ont perdu leur rythme
Tu vacilles vers des lumières
Tel un papillon qui brûle ses ailes
Où es-tu dans ta vie inachevée ?
Où es-tu que je ne trouve pas ?
Où es-tu que je ne t'oublie pas ?...

Extrait du recueil Un thé dans la toundra / Nipishapui nete mushuat

 

Christiane nous a présenté des recueil de tous temps