Autour de : "La bâtarde d'Istanbul" de Elif Shafak
Nous avons commencé nos échanges
autour du livre :
« la
bâtarde d’Istanbul » de Elif SHAFAK,
auteure
turque, exilée depuis la sortie de ce livre. Elle est originaire de
l’élite turque, sa mère était diplomate, elle est née à
Strasbourg. Elle est passée en justice et vit à Londres où elle
continue à écrire. Elle a publié une trentaine de livres, en turc,
son dernier ouvrage est sur Chypre. C’est une féministe et
militante LGBT, engagement qui lui est reproché.
Nos
échanges autour de la batarde d’Istanbul sont difficiles à
traduire ici. Cette histoire se situe dans le contexte du peuple turc
et du peuple arménien. L’auteure y aborde la question des tabous,
des secrets. On retrouve ce mélange de valeurs traditionnelles et de
modernité, avec du religieux un peu hybride. On y retrouve aussi la
vie des cafés où se mène la réflexion intellectuelle.
La
narration est toujours dans ce mélange de culture et la place
accordée à la nourriture y est grande. Les hommes sont absents dans
ce livre. C’est un monde de femme dans le contexte du patriarcat ;
de très beaux portraits de ces femmes toutes si différentes et
attachantes.
Sans
être jamais critique de l'une ou l'autre culture l'auteure nous fait
sentir la large faille existant, le tiraillement de la société
turque entre le passé ottoman et le désir de modernité et
d'Europe Un fossé de part et d'autre du Bosphore, un fossé
entre la modernité outre atlantique, la diaspora arménienne et le
poids des traditions Stambouliotes
Sous
le toit de ce gynécée toutes les variantes sont présentes,
sur quatre générations, toutes avec leurs contradictions et avec
tolérance; dans le récit une famille de chaque origine est évoquée.
Zeliha
impétieuse ,délurée et transgressive au sein de cette famille
, elle même tiraillée à son insu par sa détermination à avorter
et son "empêchement" dû à Allah ! elle entend l appel à
la prière et interrompt l'action du médecin
Ont
suivi la présentation des livres de chacun et chacune
« La
papeterie Tsubaki »
Ito OGAWA
Hatoko
a vingt-cinq ans, elle reprend la papeterie de sa grand-mère Mais
surtout elle fait ses premiers pas comme écrivain public,
Le
choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l'encre,
l'enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre.
L’écriture
verticale ou horizontale ?
Quel
système d'écriture, les kanji, l'hiragana, le katakana ? Ces
différentes écritures pour un même mot, peuvent avoir des
significations.
Hatoko
répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent
la voir : elle calligraphie des cartes de vœux, des missives qui
font sourire, une vieille femme qui désire une lettre de condoléance
pour ses voisins pour la mort de leur singe ; pour une fillette
un billet doux pour son instit ; pour un mari cocu un faire part
de divorce des plus courtois ; pour un fils, une lettre écrite
du paradis pour sa mère......
Elle
participe ainsi au bonheur des gens.
Magie
de l'écriture japonaise, raffinement extrême dans les détails, qui
en même temps traite de sujet très sérieux
Ce
récit tout en délicatesse est magnifique, surtout quand on pense
qu'il se passe aujourd'hui, à l'ère Internet.
Une
atmosphère très « zen ». On s’y détend
Anne
« Gabriële »
de Claire et Anne Berest
Biographie
d'une partie de la vie de Gabriële Buffet épouse du peintre
Francis Picabia (et arrière grand-mère de Claire et Anne Berest),
notamment la période allant de 1910 à 1918. Une personnalité
extraordinaire qui a cotoyé tous les artistes de cette époque
: peintres, poètes.....Tous ces personnages qui ont amené les
bouleversements de l'art du 20ème siècle : Picasso, Duchamp,
Appolinaire, Breton, etc...., période du mouvement Dada avec
Tristan Tzara. Femme complètement oubliée mais qui a été la muse
de nombreux de ces artistes, il serait dommage qu'elle tombe
complètement dans l'oubli. Les auteures ont une écriture claire,
fluide, c'est très agréable à lire.
Claude
« Le
portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde
Un
classique que presque tout le monde a lu dans sa jeunesse et qu'il
est bon de redécouvrir des années plus tard. Une description des
caractères des personnages et notamment de ce Dorian d'une très
grande finesse et de la société britannique de l'époque
victorienne qu'Oscar Wilde n'épargne pas. C'est d'une justesse
cruelle et assez diabolique à travers l'histoire du tableau de ce
magnifique jeune homme dont le portrait devra veillir à sa
place lui permettant de conserver outrageusement sa jeunesse et sa
beauté. A relire sans modération.
Patrick
« La
vérité sur la lumière »
de Ava Ollafsdottir
Dijja
appartient à une lignée de sage-femmes.
Elle
est " mère de la lumière". A la mort de sa grand-tante,
elle s installe dans son appartement, décide de mettre en ordre ses
manuscrits et peut-être de les publier...
« La
plus secrète mémoire des hommes »
de Mohamed Mbongar San. Prix
Goncourt 2021
Un
jeune écrivain sénégalais découvre un livre paru en 1938 : le
labyrinthe de l inhumain. Son auteur n’a jamais publié d’autre
ouvrage.
Diegane
Faye s’engage sur la piste du mystérieux écrivain, découvrant
ainsi les tragédies du colonialisme et de la Shoah.
Christine
« la
chance de leur vie »
Agnès Desarthe
Cette
écrivaine est agrégée d'anglais, traductrice. Elle a écrit des
livres pour la jeunesse dont « Dans la nuit brune » qui a
obtenu le prix Renaudot des lycéens en 2010.
Dans
la chance de leur vie, une famille française part s'installer en
Caroline du Nord. Lui va travailler dans une université, et faire
des conquêtes. Elle peine à s'adapter, leur fils traverse une crise
spirituelle.
Très
bien écrit, très agréable à lire.
Ingrid
Pour terminer, Ingrid nous a fait la lecture du poème d'Aristide Bruant "le chat noir"
La lune était sereine
Quand sur le boulevard,
Je vis poindre Sosthène
Qui me dit : Cher Oscar !
D’ou viens-tu, vieille branche ?
Moi, je lui répondis :
C’est aujourd’hui dimanche,
Et c’est demain lundi...
Je cherche fortune,
Autour du Chat Noir,
Au clair de la lune,
À Montmartre !
Je cherche fortune ;
Autour du Chat Noir,
Au clair de la lune,
À Montmartre, le soir.
La lune était moins claire,
Lorsque je rencontrai
Mademoiselle Claire
À qui je murmurai :
Comment vas-tu, la belle ?
– Et Vous ? – Très bien, merci.
– À propos, me dit-elle,
Que cherchez-vous, ici ?
La lune était plus sombre,
En haut les chats braillaient,
Quand j’aperçus, dans l’ombre,
Deux grands yeux qui brillaient.
Une voix de rogomme
Me cria : Nom d’un chien !
Je vous y prends, jeune homme,
Que faites-vous ? – Moi... rien...
La lune était obscure,
Quand on me transborda
Dans une préfecture,
Où l’on me demanda :
Êtes-vous journaliste,
Peintre, sculpteur, rentier,
Poète ou pianiste ?...
Quel est votre métier ?