La Bâtarde d'Istanbul suite

 

Elif SHAFAK est une écrivaine turque, née en 1971 à Strasbourg (France). Elle appartient à une élite moderniste. Elle a passé son enfance dans divers pays du moyen–orient avec une mère diplomate, et poursuivi des études supérieures aux USA. Mariée à un journalise, elle est mère de deux enfants.

En 2007, elle s’exile à Londres suite à la sortie de l’ouvrage dont nous traitons. Mise en examen, par l’état turc, il lui a été reproché de porter atteinte à l’intégrité nationale en évoquant le génocide arménien de 1915.

C’est l’écrivaine la plus lue en Turquie. De confession soufi, elle a reçu en 1998, le prix RUMI, pour son livre « PINHAM », qui récompense le meilleur ouvrage littéraire mystique turc.

Polyglotte, elle a écrit une trentaine de livres dont treize en langue turque, neuf en français, cinq en anglais et deux en allemand. Son dernier ouvrage en 2021 « l’ile aux arbres disparus », traite du statut politique de Chypre, ce qui lui vaut des critiques réprobatrices de nationalistes turcs.

Féministe, elle aborde « courageusement » dans ses écrits la condition féminine dans une société où la sexualité est taboue, qu’elle traite de manière romancée dans « la batarde d’Istanbul ». L’intrigue du roman se passe de part et d’autre de deux pays, la Turquie et les USA, dans deux univers culturels traditionnels, dans deux familles, turque et arménienne, séparées par la question du conflit turco-arménien de 1915.

De manière plus large, cet ouvrage montre « un va et vient » entre des traditions et des modernités, une transmission intergénérationnelle contradictoire et ambiguë faite de bricolages de valeurs et de comportements de soumission qui s’entrelacent avec des ressources modernes principalement la liberté des femmes. La place de l’homme est remise en question, des stratégies féminines se font jour, marquée par une forte solidarité féminine mais paradoxalement l’homme bien que inexistant ou parfois invisible, reste au centre des préoccupations de ces femmes.

Au delà, de cette ambiance apparemment touchante, au cœur d’inextricables liens entre ces deux familles, une transgression, celle de l’inceste, une pratique déshonorante qui touche à l’honneur  de la famille. La « batarde d’Istanbul » parle d’une naissance illégitime en dehors du mariage qui cache un tabou plus grave, celui de l’inceste, et celui qui le transgresse doit payer et laver son honneur.

On relève dans le roman, de manière transversale, la dénonciation d’une radicalité islamiste qui rapetisse la pensée intellectuelle moderniste et séculaire. La religiosité est hybride et sert de refuge culturel.

L’auteur ornemente ce roman d’une profusion de descriptifs gastronomiques, une façon de montrer les liens ancestraux entre ces deux familles, avec peut-être le souhait d’un dialogue interculturel entre les sociétés turque et arménienne.

Hamida